Jean-Claude Convenant de la mini série "Caméra café" avec une tête et un regard ahuris.

Dans ma vie d’avant, j’ai souvent croisé des commerciaux, sans jamais en être très proche, et j’ai souvent trouvé que la caricature de Jean-Claude Convenant était plutôt fidèle (ouais désolé les jeunes, vous avez pas la ref, faites vos propres recherches !). Je n’ai pas souvenir d’avoir croisé de commerciales, donc ce billet ne sera pas du tout inclusif, et pour le coup, je crois que ce n’est pas si mal, j’aime à rester dans l’illusion que les femmes dans cette branche ne sont pas touchées par les mêmes défauts.

Dans ma vie de maintenant, les commerciaux ont besoin de moi pour leurs ordinateurs, et ma conclusion, c’est que Jean-Claude est une pâle copie de la réalité. Je ne vais vous parler que de 4 spécimens, qui chacun dans leur style me confortent dans l’idée que ces gens sont vraiment dans un autre monde que le mien.

Commençons donc par A, celui qui me débecte le plus. A a abandonné le costard, trop sérieux et s’est renouvelé vers la chemise de mauvais goût. À pois, à motifs bariolés, à fleurs, manifestement toujours inspiré par Desigual, mais toujours merveilleusement repassées, bawi, A ne s’en cache pas, il a les moyens, il met ses chemises au pressing. A ne peut s’empêcher d’avoir ce regard glauque et libidineux dès qu’une femme passe dans son champ de vision, et bien sûr A, ne peut s’empêcher d’avoir un humour qui rend justice à son rang !

La dernière fois que j’ai dû déjeuner avec A (et d’autres), le menu du jour proposait de la poitrine de porc parmi d’autres choix.

A : « je vais prendre la poitrine, parce que j’aime ça moi les poitrines, hein les filles ? »

Moi : « ouais ça tombe bien c’est du porc … »

A : « ça va, c’est de l’humour et c’est flatteur pour vous »

Moi : « pour le coup, je préfère ne pas être flattée alors »

Fin de l’échange, ambiance lourde jusqu’au bout, clins d’yeux et regards pseudo entendus sur fond de prof bashing après avoir appris mon ancien métier.

Dans la mesure du possible, je préfère donc éviter A. Mais cela n’étant pas toujours possible, j’ai signifié à A la dernière fois que l’on s’est vu et qu’il a déploré que je ne porte pas de jupe et de talons (car c’est dommage de cacher mon corps), que c’était déjà la deuxième fois qu’il était déplacé, et qu’à la 3ème, je n’aurais aucune difficulté à porter plainte. Pour le moment, A se tient, je crois qu’il a bien compris que ce n’était pas qu’une menace en l’air et bien un avertissement. N’empêche que A me donne des envies de jardinage. Comme R m’a dit un jour : « On est quand même sur du connard étalon, on devrait le mettre sous cloche à Sèvres au pavillon de Breteuil »

Passons à Y, Y c’est pas pareil, il est plutôt sympa. Mais Y il veut toujours qu’on lui trouve des solutions improbables pour ses mails. Il a une boite mail de 50Go, à croire qu’il garde même ses spams, avec une ribambelle de dossiers classés par ordre alphabétique et il veut pouvoir accéder à tout, tout le temps, sans que ça rame. Y, il est loin, il vient pas souvent au siège, donc tout ça se fait au téléphone, à distance. Et Y, bah c’est un commercial, alors Y, il a un fort besoin de blablater. Donc pendant que je cherche des solutions pour ses problèmes, Y me raconte sa vie, me pose des questions sur la mienne, bref, Y fait la causette, sympathiquement, mais ça occupe gravement le temps, et le temps, j’en ai pas trop trop au boulot. Mais Y, il entend pas trop quand on lui dit qu’on a d’autres sujets à gérer, Y, il se croit un peu tout seul à avoir besoin du service info.

Dans la série des commerciaux cools mais caricaturaux, je vois aussi souvent F. F il passe toujours au bureau entre deux voyages au bout du monde. Il a toujours sa petite doudoune bleu marine à bourrelets, sans manches, et jamais le temps, mais besoin qu’on lui installe des logiciels improbables. L’avantage c’est que F il se débrouille bien avec son ordi, donc nous on gère que la recherche sur ledit logiciel (voir si c’est safe ou si il y a une alternative qui convient mieux à sa demande) et après il fait son truc. Le problème de cet avantage, c’est que F il veut gérer le Sharepoint de tous les commerciaux à l’international, pour que ce soit bien rangé et ordonné et facile de s’y retrouver (genre il n’y a que lui qui sait faire, et c’est pas si faux que ça !). C’est une super bonne idée de la part de F, mais F il a comme collègue E, et là, c’est le drame !

Venons-en donc à E (vous avez vu, je vous mets un bien gratiné au début, deux plutôt softs au milieu, et la fin en apothéose). E est seul au monde, E est le meilleur, E est irremplaçable, E est tellement fier de sa Porsche que son mot de passe c’est sa plaque d’immatriculation, E a les dents tellement blanches qu’on dirait une pub Colgate photoshopée (et on a souvent envie de les lui faire manger), E a réussi à gratter 2 (DEUX) numéros de tel pro et 2 (DEUX) téléphones pros, E a obtenu qu’on étende sa boite mail à 100 (CENT) Go parce qu’il a tellement de mails et qu’il veut tellement les garder depuis 15 ans et qu’il refuse toute option alternative que de guerre lasse le SI a cédé. E veut bien utiliser OneDrive et Sharepoint, mais E veut aussi que TOUS ses documents soient dispo en permanence en local sur son ordi, donc E fait exploser son disque dur, et E fait systématiquement planter la synchronisation avec le cloud. E a tellement peur de perdre de perdre des dossiers, qu’il fait des copies de copies de copies, dans des arborescence chelous et improbables, avec des noms différents au début et identiques à la fin, qu’il synchronise sur le Sharepoint, donc ses collègues ne s’y retrouvent pas. E ne sait donc jamais quelle est la dernière version du document qu’il veut consulter puisqu’il ne sait jamais lequel il a modifié dans quelle arborescence (ou parfois dans ses mails).

Mais bien sûr, comme E c’est le meilleur, qu’il y a que lui qui sait, que lui qui gère, E ne veut absolument pas entendre que sa méthode est à revoir.

Récemment donc, E fait un ticket. C’est le drame intergalactique. F a fait du rangement dans le Sharepoint et F (ou pas, mais on est d’accord, ça ne peut en aucun cas être la faute de E), a perdu 15 (QUINZE) ans de dossiers sur les clients du Maghreb. Coup de bol, E vient au siège mercredi (4 jours après le drame) et donc E va nous confier son ordi à 8h30 pour qu’on fasse un miracle, qu’on récupère tout ! 

Euh, bon, avec les informations que nous avons, nous ne sommes pas hyper confiantes ma collègue et moi. Nous passons le lundi et le mardi en contact avec E pour le préparer à l’idée que c’est perdu (ouais le support informatique, c’est un peu psy aussi), mais pas totalement puisqu’il garde la totalité de ses mails, il va pouvoir tout retrouver mais ça va lui prendre du temps. Tu te doutes bien, E ne veut absolument pas entendre parler de cette idée. IL EST INDISPENSABLE qu’on retrouve ses data (euh pour rappel gars, ce sont pas TES datas, mais celles des commerciaux export, vous bossez en équipe sur le sujet).

Bref, le mercredi arrive, et manifestement TOUT est dans la poubelle de son bureau (date du drame faisant foi) ; mais en vrac. Impossible de restaurer dans le dossier d’origine qui n’existe plus. Quand je dis TOUT, c’est TOUT, environ 10 Go de datas. Et c’est tipar pour une restauration de l’enfer. Son ordi est tellement saturé que je peux rien synchro avec le Sharepoint. Je dois donc copier petit bout par petit bouts ses fichiers de l’enfer sur un disque externe, pour les mettre sur le Sharepoint depuis mon ordi. Et que je tombe sur des doublons et des triplons et qu’il veut TOUT garder donc je dois numéroter le 1544986.jpg en 1544986_1.jpg et 1544986_2.jpg, idem pour les Word et les pdf … Monsieur voudrait même que je lui classe dans des dossiers (nanmého épikoi encore !), pendant qu’il est en réunion et ne répond à aucune de mes questions, bien sûr. Mais attention, E doit partir à 15h dernier délai et TOUT doit être fini avant. Et comme môssieur est VIP, il est moyennement question de ne pas faire le maximum pour résoudre son problème dans le temps imparti. Me voilà donc à 12h30, toujours sur son ordi, avec ma collègue qui vient à la rescousse (Je copie et renomme, elle met sur le Sharepoint, et on fait une rotation avec les deux disques durs). Tout le monde de l’équipe passe nous voir, nous propose de l’aide ou de nous rapporter un sandwich. Même E passe, mais lui c’est pour prévenir qu’il va déjeuner et qu’il part bientôt et qu’on doit se magner le cul, le tout avec son sourire à dents trop blanches que j’ai vraiment très envie de lui faire avaler.

A 15h, E passe récupérer son précieux, mais il reste environ 2 Go. C’est pas grave, E a une super bonne idée, il va avoir la fibre, donc la semaine prochaine, le soir quand il bosse pas, je pourrai me connecter à distance pour finir, parce que hein, c’est hyper important, il en a besoin pour le chiffre d’affaire de la boite (traduction : sa com pour changer les pneus de la Porsche et se faire reblanchir les dents). Cette fois, même DSI qui veut faire plaisir à tout le monde et surtout aux VIP, lui signifiera que non, c’est pas possible !

Vendredi, je reçois un mail de relance, qui dit en substance que bon, là ça va pas, le boulot est pas fini, qu’il faut absolument mettre les besoins humains et matériels pour son cas. 

J’ai ignoré !

Bref, il doit surement y avoir des commerciaux très bien dans ce monde, seulement je les ai jamais croisés, et mes expériences passées et présentes commencent à me faire penser que ce truc-là, c’est un peu comme le Yéti …

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3 Responses

  1. La plus belle brochette de commerciaux so far…
    C’est dernières années, j’ai eu l’occasion d’en côtoyer, et je pensais que c’était des sévères pour moi qui n’était que dans la branche Production (ouais, avec une capitale) mais je dois reconnaître que ceux-ci sont bien au-delà de ce que j’ai pu connaître, et ma compassion est acquise, non seulement au SI, mais aussi à l’ensemble de ceux qui ont ou auront à côtoyer A, F ou E (Y fait pâle figure face aux autres).
    Merci pour être galerie de portraits au cordeau.

  2. Murmf…
    Vais-je dire que j’ai été assez longtemps commercial (et agent commercial même)….
    Ché pô….

    Ouais y’a pas eu besoin de beaucoup chercher à Caméra Café pour s’inspirer mais kamême quoi murmf…

  3. Tu peux remplacer commerciaux par enseignant-chercheurs, c’est la même.

    Mention spéciale a Mme Scrat qui garde TOUTES les versions des thèses que ses doctorants lui envoie.

    Oui, même quand lesdits doctorants lui envoient 3 versions par jour. Et elle en a eu des doctorants…

    Quoi, 2 To de données, c’est beaucoup ? Non, si peu…

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